Developpement Empirium

[Viktor]

La galaxie poursuivait son évolution.
Inexorable.
Tous suivaient son chemin.
C’était la seule et unique voie possible.
La seule et unique issue envisageable.
Le seul et unique futur pour tous.
Il n’y avait guère que les âmes perdues pour ne pas suivre le chemin qu’elle imposait. Pris dans des batailles qui ne leur laissaient aucune échappatoire, ils n’avaient pas les moyens de se mettre en branle pour l’inexorable marche vers le progrès.
Et pourtant… même les plus jeunes avaient compris !

De toutes parts de la galaxie fleurissaient les complexes, ces énormes structures spatiales, mouvantes, forces uniques de création et réserves de puissance. De leurs entrailles sortaient les armes de la nouvelle donne. Encore et toujours. La multiplication à outrance des vaisseaux de collecte, des vaisseaux de guerre, des vaisseaux administratifs. Il fallait produire et encore produire. Les Seigneurs ne pouvaient plus devenir que des éleveurs, des ingénieurs. Rentabiliser, optimiser, maximiser, produire, produire, produire… jusqu’à l’écoeurement.

Viktor observait de loin la transformation de sa galaxie. Derrière les parois du Suscion, il ne pouvait que constater le phénomène avec un certain dédain. Le Commodore, ancien fleuron de l’Empire, trimballait son délabrement au milieu de secteurs bourrés de frégates et autres croiseurs tout droit sortis des complexes et autres chantiers. Les peuples ne comptaient plus. La possession de terres devenait une contrainte. A quoi bon s’encombrer d’une population à l’humeur changeante ? A quoi bon défendre des terres si facilement attaquables ? A quoi bon gâcher des Nexus pour ces structures peu fertiles ? Tout cela alors que quelques frégates, à la production constante, à la défense facilitée par leur mobilité, au rendement plus important, suffisaient à combler la perte de dizaines de planètes !!! Qui sait ? Bientôt les mondes seraient-ils de nouveau livrés à eux-même ? Une profusion de systèmes rebelles sur lesquels les Seigneurs inexpérimentés iraient se casser les dents…
Où serait sa place dans un tel univers ?

Il savait que la seule chance de survivre désormais était de rejoindre la multitude, de sombrer dans l’abêtissement de masse, de devenir un parfait petit gestionnaire… Un sourire mauvais se dessinait sur son visage quand ces idées l’effleuraient. Il savait très bien qu’il n’en serait jamais capable. Qu’il ne voudrait jamais d’une telle vie. Il était voué à disparaître, symbole d’une autre époque, imprimé au passé. Vestige des temps anciens qui refuserait toujours de se compromettre à la modernité… A l’image de ce Suscion, délabré, rafistolé de toutes parts suite aux multiples batailles qu’il avait menées, errant dans l’espace au milieu de toutes ces nouvelles flottes… plus modernes… mieux équipées… Une antiquité volante qui un jour se volatiliserait. Viktor le savait. Il n’avait aucun avenir possible.
Mais ce jour n’était pas encore venu…

« Maître, nous approchons de l’orbite de Jor. »
Algien, toujours lui, était venu interrompre son errance. Ce fidèle bras-droit qu’il avait lui-même engendré. Un autre vestige du temps qu’il conviendrait de faire disparaître... mais pour l’instant, il restait trop de bons moments à passer…
« Bien, je vous rejoins bientôt. Et pensez à faire porter quelques caisses de Viktorovitch dans le poste de commande. Ce n’est pas tous les jours que nous avons l’occasion de saluer un ancien ami… »

Quelques heures plus tard, une bouteille vide à la main, une charmante esclave tout aussi vide dans l’autre, Viktor, confortablement vautré dans un fauteuil du poste d’observation, faisait face au magnifique spectacle qui se déroulait sur Jor.
C’était loin d’être la première fois et pourtant… il ne pouvait se lasser de contempler la bactériologisation intégrale d’une planète… surtout lorsque celle-ci était sous la gestion du Grand-Maître Hollowman…
Un sourire se dessina sur le visage ravagé du caïnite. Non, c’était certain, le jour n’était pas encore venu…
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